Du 25 septembre au 23 octobre 2021, 3 000 Bruxellois ont participé à CurieuzenAir, la plus grande enquête citoyenne jamais menée sur la qualité de l’air dans notre capitale. Les citoyens scientifiques ont mesuré la concentration de dioxyde d’azote (NO2) dans leur rue pendant un mois à l’aide d’un appareil de mesure placé sur leur façade. Le projet se traduit par un ensemble de données unique qui permet de dresser une carte très détaillée de l’influence du trafic sur la qualité de l’air à Bruxelles. Les résultats vont d’une qualité de l’air “excellente” à une qualité de l’air “extrêmement mauvaise” dans tout Bruxelles, avec un contraste marqué entre les quartiers socio-économiquement vulnérables et les quartiers verts et aisés. Enfin, CurieuzenAir apporte également de bonnes nouvelles : les données montrent que la qualité de l’air à Bruxelles s’est considérablement améliorée ces dernières années.
La carte interactive à points avec les résultats de tous les points de mesure peut être consultée à partir de vendredi 18 mars à 17h00 sur les sites web de De Standaard, de Le Soir et de BRUZZ
Des différences significatives et marquantes à travers Bruxelles
Sur la carte interactive à points, chaque point de mesure s’est vu attribuer une couleur correspondant à la valeur mesurée. En observant la carte, il est étonnant de constater que la qualité de l’air diffère fortement d’un quartier à l’autre, et même d’une rue à une autre. Des points bleus (0-15 µg/m3 ; “très bon”) à un certain nombre de points noirs (>50 µg/m3 ; “extrêmement mauvais”), l’ensemble des données de CurieuzenAir indique clairement que ces différences s’expliquent par les émissions du trafic bruxellois.
La plus faible concentration de NO2, 6,2 µg/m3, a été mesurée au milieu de la forêt de Soignes, un endroit épargné des émissions du trafic. La plus faible concentration de NO2 dans une zone résidentielle (8,1 µg/m3) a été mesurée sur une façade de la Rue Chant d’Oiseaux à Anderlecht. Il s’agit d’une valeur remarquable pour un environnement urbain, où les valeurs mesurées inférieures à 10 µg/m3 sont généralement moins fréquentes. Cette valeur indique qu’il existe également des zones résidentielles à Bruxelles où la qualité de l’air est très bonne.
À l’autre bout du spectre, il y a aussi des valeurs aberrantes. La valeur de mesure la plus élevée (60,5 µg/m3) a été enregistrée le long du très fréquenté Boulevard de Nieuport, mais certains points de mesure le long du Petit Ring dépassent également la limite de 50 µg/m3. Ces valeurs élevées s’expliquent par la combinaison d’un trafic intense et d’une faible circulation de l’air due aux immeubles de grande hauteur. Olivier Brasseur, expert qualité de l’air à Bruxelles Environnement, explique que : “Les concentrations les plus élevées en dioxyde d’azote sont atteintes dans les sites à trafic dense et amplifiées par un “effet canyon”, c’est-à-dire la présence de bâtiments de part et d’autre de la rue qui limite la dispersion des polluants. On constate aussi, et c’est plus surprenant, que les concentrations de NO2 peuvent varier significativement au sein d’une même rue. Cela peut s’expliquer par la configuration de la rue qui peut être plus ou moins ventilée suivant l’endroit considéré.” En outre, la circulation aux carrefours et les embouteillages aux heures de pointe du matin et du soir provoquent une augmentation des émissions et des pics élevés. Cela se traduit par des points rouges et violets sur la carte à points de CurieuzenAir.
Le télétravail et un parc automobile plus propre contribuent à améliorer la qualité de l’air
Grâce au grand volume de données récoltées, Curieuzenair peut estimer l’exposition au NO2 de toute la population de Bruxelles. CurieuzenAir a constaté que 1,4% des Bruxellois (17.000 personnes) sont exposés à une qualité de l’air dépassant les 40 µg/m3 des normes européennes de qualité de l’air. En outre, 98,4 % de la population (1 200 000 habitants) vivent ou travaillent dans des zones exposées à une pollution supérieure à la nouvelle valeur seuil de l’Organisation mondiale de la santé, c’est-à-dire supérieure à 10 µg/m3, ce qui montre le large impact de la pollution atmosphérique sur la santé publique de la population.
“Il n’est certainement pas agréable d’apprendre que l’on vit ou travaille dans un endroit rouge”, déclare le professeur Filip Meysman (UAntwerpen), coordinateur de CurieuzenAir. “Mais c’est aussi l’objectif de notre recherche : rendre visible les hotspots de la pollution atmosphérique et faire en sorte que les responsables politiques au niveau local puissent améliorer la situation du trafic. En revanche, nous sommes surpris de constater qu’il s’agit d’un pourcentage relativement faible. Il y a seulement deux ans, on estimait qu’il était d’environ 10 %, et il y a dix ans, même la moitié de la population bruxelloise était au-dessus de la norme. Les stations de mesure officielles de Bruxelles Environnement montrent la même tendance à la baisse. La qualité de l’air à Bruxelles est donc en nette amélioration.” Les chercheurs voient un certain nombre d’explications importantes à cette récente amélioration. L’effet corona a entraîné du télétravail et donc moins de trafic pendant la période de mesure. Mais le parc automobile de plus en plus propre, l’utilisation accrue de la bicyclette et la zone à basses émissions jouent également un rôle, et ce sont des effets durables. Les données de CurieuzenAir montrent que de telles mesures améliorent effectivement la qualité de vie dans une grande ville.
Malgré les résultats de mesure encourageants, il faut continuer à agir pour améliorer la qualité de l’air en ville. En septembre 2021, l’Organisation mondiale de la santé a présenté une nouvelle valeur seuil : au-delà de 10 µg/m3, les premiers effets sur la santé sont perceptibles. Il y a matière à réflexion : sur base des données de CurieuzenAir, 98,4 % de la population, soit 1 200 000 Bruxellois, vivent ou travaillent dans des zones exposées à une pollution supérieure à cette norme sanitaire.
Alain Maron, Ministre bruxellois chargé de la Transition climatique, de l’Environnement, de l’Action sociale et de la Santé: “CurieuzenAir est un excellent exemple de l’importance de la science citoyenne. Grâce à tous les citoyen.ne.s qui ont participé au projet, nous avons recueilli des résultats sans précédent sur la pollution atmosphérique à Bruxelles, afin de mieux comprendre ce problème dans notre ville. Si nous constatons que la situation s’améliore doucement, les concentrations mesurées restent encore inacceptables, et appellent à des actions fortes rapidement. Nous devons agir pour que tous les Bruxellois .es, quels que soient leurs revenus et le quartier dans lequel ils vivent, puissent respirer un air pur et sain.”
“Nous savons que l’on ne peut pas gérer ce que l’on ne mesure pas – et ces données et recherches de grande valeur permettront à la Région de Bruxelles-Capitale, à Bruxelles Environnement et à la société civile de lutter contre cette crise de la pollution de l’air”, a déclaré Antha Williams, responsable du programme environnement et climat à Bloomberg Philanthropies. “La lutte contre la pollution de l’air à Bruxelles permettra de sauver des vies, et profitera particulièrement aux plus vulnérables, notamment les enfants et les personnes âgées qui sont les plus vulnérables aux effets néfastes d’une mauvaise qualité de l’air.”
Une bonne qualité de l’air, c’est important pour tous les Bruxellois
La base de données CurieuzenAir fournit une image très détaillée de la qualité de l’air dans les différents quartiers de Bruxelles. Les concentrations de NO2 montrent des différences remarquables entre les quartiers, les rues et parfois au sein d’une même rue. Les chercheurs de l’Université libre de Bruxelles ont comparé les données de CurieuzenAir aux caractéristiques socio-économiques des différents quartiers. “Les trois quartiers où la qualité de l’air est la meilleure de la région sont situés à Uccle et les trois quartiers où la concentration de NO2 est la plus élevée se trouvent dans le centre-ville et près de la Peinte Ceinture.” explique Dirk Jacobs, professeur en sociologie à l’ULB. Les quartiers à forte densité de population ont tendance à être moins bien lotis en termes de qualité de l’air. En outre, il existe un lien évident entre les revenus et la qualité de l’air de là où l’on vit : plus le quartier est pauvre, plus la qualité de l’air est mauvaise. “Ironiquement, cela signifie également que dans les quartiers où le nombre de voitures par ménage est plus faible, la qualité de l’air est tout de même plus mauvaise en raison de l’impact du trafic à proximité.”
“Les résultats de CurieuzenAir montrent que les effets sur la santé des Bruxellois sont inégaux. Nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne”, déclare Raf Pauly du BRAL, mouvement urbain bruxellois et co-initiateur de CurieuzenAir. “Mais le résultat du point de mesure dans votre rue n’est pas égal à votre propre exposition quotidienne. Nous ne passons qu’une partie de notre temps à la maison. Les habitants de la périphérie bleu-vert vont également étudier, travailler ou faire des achats dans le Pentagone. Nous avons donc tous intérêt à voir la qualité de l’air à Bruxelles s’améliorer considérablement et nous devons travailler dur pour y parvenir.”
CurieuzenAir est une initiative de l’Université d’Anvers, le BRAL- mouvement citoyen et de l’Université libre de Bruxelles, en étroite collaboration avec Bruxelles Environnement, De Standaard, Le Soir et BRUZZ. Ce programme est soutenu par le Brussels Clean Air Partnership de Bloomberg Philanthropies.